EAN13
9782913896673
ISBN
978-2-913896-67-3
Éditeur
Al Manar
Date de publication
Collection
Poésie du Maghreb
Nombre de pages
80
Dimensions
15,4 x 11 x 1 cm
Poids
100 g
Langue
français
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Les dits du fleuve

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Al Manar

Poésie du Maghreb

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Le rêve s'élargit en son point de vérité dans le regard de qui sait voir la terre dans sa complexité. C'est de cela que semble nous conduire à méditer Tahar Bekri dans cet ouvrage au format qui se tient aisément dans la paume de la main.
Le poète s'exprime ici dans une langue qui invente les nuits plus étincelantes que les astres. Il vogue « corps et âme dans la dérive des continents » (P.8), au gré des flots d'un fleuve qui serpente la terre du nord au sud, de l'est à l'ouest, traversant des oliviers centenaires, des eucalyptus à l'écorce renouvelée, des lauriers roses et amers, etc.
À parcourir ce livre, nous vient immédiatement en écho l'inusable doctrine d'Héraclite fondée sur l'écoulement universel des choses : « Tout s'écoule », disait Héraclite ; « rien ne demeure. Le même homme ne descend pas deux fois dans le même fleuve ». Tahar Bekri, bien évidemment, ne l'ignore pas, lui dont la sève de vie est « Née des torrents et de la patience des berges » (P.16). Voilà pourquoi, à la vue de chaque fleuve, attiré, il « descend » dans le cours qui est celui de la Seine, celui du Nil, de la Nubie, du Tigre, de l'Euphrate, de l'Amour, du Gange sacré, de l'Ankou, du Niger, du Congo, etc.
Lors de ces traversées, le poète garde sa lucidité. Il sait ce qu'il n'est pas et il l'exprime dans un clin d'œil adressé à Jacques Roumain et Jorge Amado :

« Je ne suis ni Gouverneur de la rosée
Ni capitaine des sables
Mais le funambule des océans » (P.15)

Ce « funambule des océans » ne peut cependant pas s'épargner les réalités de la terre. Le voilà malgré lui, témoin des guerres de Sarajevo, de « Ce sang qui soude les flots » sur les berges du Congo, de ces pratiques ignobles des « marchands de sommeil », de l'impunité de ces « sangsues habillées en mercenaires » ... Excédé, le poète implore Moïse et, en guise de catharsis, pousse un cri profond : « Je hurle à la lune » (p. 71). Dans ce hurlement, demeure vivace la charge d'inquiétude, d'interrogation et de mélancolie que charrie ce chant poétique à l'écriture concise.

« Au fond de moi
S'endorment des pierres

Leurs fêlures
Brisent le sommeil
Qui sait
Les galets naîtront ainsi plus tendres » (P.62)

Toujours à propos de l'âme des fleuves, le très généreux poète Jean L'Anselme écrivait en 1952 :
« Moi, dit la Seine, je voudrais être la mer pour avoir des enfants qui jouent avec le sable ». De quoi nous consoler après la traversée des Dits du Fleuve ; de quoi apaiser la panique des poètes.

Gabriel Okoundji
Cultures Sud, octobre 2009
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