sandrine57

Lectrice compulsive d'une quarantaine d'années, mère au foyer.

9

Kurokawa

Conseillé par
21 octobre 2013

Sauvés in extremis, Ayumu, Miki et Sonoda se tirent de l'incendie sans trop de séquelles. Au lycée, le proviseur ne souhaite pas que s'ébruite cette affaire d'enlèvement et préfère annoncer que les jeunes filles ont été victimes d'un banal accident de la route. Mais il ne peut empêcher les fuites et très vite la vérité est dévoilée. Miki n'hésite pas à accuser ouvertement Manami d'être à l'origine de l'affaire. Mais la jeune fille s'en sort encore une fois et réussit à retourner la situation à son avantage et Ayumu est encore une fois accusée de tous les maux.

Un tome où Manami fait encore une fois la preuve de son talent. Elle n'hésite pas à trahir, à manipuler, à mentir et sait très bien jouer la comédie pour arriver à ses fins. Elle a juré de détruire Ayumu et semble bien être sur la voie de la réussite. L'ijime est ici traité avec un réalisme qui fait froid dans le dos. Cependant, la force du propos est gâchée par les dessins parfois trop suggestifs sexuellement. Les charmes de Miki sont souvent exposés sans raison valable. Pour attirer un lectorat masculin avide de poitrines opulentes? Sans doute mais, pour plaire aux fans, l'auteure perd en crédibilité. C'est vraiment dommage, surtout que ce shôjô se démarquait vraiment des autres par l'originalité des thèmes abordés et la qualité du scénario.

Conseillé par
20 octobre 2013

Lou, Ric et Phil, une fille, deux garçons, une fratrie qui grandit en France dans les années 60 avec un papa qui rêve d'Amérique. Les valises sont déjà prêtes, solides, métallisées, aux couleurs de la DS paternelle. Mais c'est loin l'Amérique, alors en attendant, la famille se gave de westerns, va jouer au cow-boys et au indiens à Ermenonville et regarde les avions s'envoler à Orly.
Adultes, ils sont tous les trois artistes et ont réalisé chacun à sa façon leur rêve américain...


La preuve qu'une quatrième de couverture alléchante et un sujet attrayant ne font pas un bon livre. Si la première partie peut éventuellement raviver la nostalgie des lecteurs qui ont connu la DS, la télé en noir et blanc et l'arrivée dans les ménages des premiers échantillons gratuits qui induiront la société de consommation, on est pourtant très vite effrayé par les termes mécaniques, l'accumulation de marques citées et le style elliptique de l'auteure. Alors même si les souvenirs de Lou restituent très bien l'époque et qu'on peut prendre plaisir à se replonger dans ce passé, tout se gâte dans la seconde partie quand les garçons prennent la parole. Le propos devient alors incompréhensible pour le profane qui n'est pas versé dans la question indienne. En effet, Phil, désormais photographe, est parti au Canada et aux Etats-unis sur la trace des premiers habitants. Un exemple de la prose verbeuse et, sans doute érudite, de Valérie TRODJMAN : "L'artiste contemporain, dont la démarche ne relevait pas du folklore, ni de l'ethnomuséographie ni de la génétique, pouvait-il désoeuvrer l'Indianité -l'indianness ethnocentriste des non-indiens et l'indianity héritée du panindianisme- pour questionner l'identité tout court ? Mais pourquoi désoeuvrer l'Indianité ? Etait-ce seulement possible à partir du moment où la question était posée ? Et ainsi de suite, jusqu'à l'obsolescence même du questionnement ?" Et le reste est à l'avenant, avec en plus un délire onirique, ou pas, de Ric lors d'un célèbre festival dans le désert américain. Difficile ensuite de rester concentrer et de s'intéresser au récit. On s'égare, on se lasse, on suit difficilement les élucubrations des héros de l'histoire. Grosse déception donc pour un livre qui avait de nombreux atouts -à commencer par son titre à rallonge !- mais qui ne tient pas ses promesses.

roman

Héloïse d'Ormesson

Conseillé par
19 octobre 2013

Ils étaient jeunes, ils étaient beaux, ils rêvaient pour leur pays de paix, de solidarité, de liberté, d'égalité. "Ils", ce sont Ruth, Dora, Hans et Ernst, une bande d'amis, journalistes ou auteurs, photographes ou étudiants. Et leur pays, c'est l'Allemagne, une nation exsangue après la défaite de 14-18 mais où tout est à faire pour un monde meilleur. Adhérents du Parti des travailleurs socialistes, ils luttent pour ne plus jamais être soldat et devoir se battre dans les tranchées, pour que les femmes soient les égales de des hommes, pour que les ouvriers puissent vivre décemment. L'arrivée d'Hitler au pouvoir brise leur élan. Elu démocratiquement, le führer ne tarde pas à s'emparer des pleins pouvoirs et à instaurer la terreur.

Les opposants au régimes sont abattus, envoyés dans les premiers camps de concentration ou déchus de leur nationalité et contraints à l'exil. Ruth, Dora, Hans et Ernst arrivent ainsi à Londres où, malgré l'interdiction faite par le gouvernement , ils s'organisent pour dénoncer le régime nazi et ouvrir les yeux des démocraties européennes sur les velléités guerrières du nouveau chef d'état. Mais l'Allemagne ne tolère aucune critique. Les dissidents sont menacés, enlevés, tués, même en territoire étranger. C'est au prix fort qu'ils paient leurs convictions et leurs engagements.
Quelques soixante-dix ans plus tard, Ruth, professeure de littérature à la retraite, reçoit, en Australie, son pays d'adoption, un colis contenant les derniers écrits d'Ernst, un récit de ces évènements rédigés dans une chambre d'hôtel new-yorkaise, juste avant la deuxième guerre mondiale. Au fil de sa lecture, Ruth se souvient...de sa jeunesse, de son amour pour Hans, de sa cousine Dora et d'Ernst son éternel amant. Défilent alors la lutte, la politique, les engagements, les amours, les trahisons, les persécutions, tous les amis qui se sont battus en vain contre la montée du nazisme.

Intrigues politiques et amoureuses se conjuguent dans cette fiction très réussie, basé sur des faits réels, que l'auteure a entrepris d'écrire après sa rencontre avec Ruth, seule survivante de la bande d'amis idéalistes. Elle a choisi d'entremêler les souvenirs de Ruth, en Australie en 2001 avec ceux d'Ernst Toller, à New-York, en 1939. Le procédé, déstabilisant dans les premières pages, finit par ne plus gêner, à mesure que l'on s'y habitue et que les deux récits se rejoignent. Finalement, on est pris dans cette histoire et on ne la lâche plus jusqu'aux dernières pages. Avec brio, Anna FUNDER revient sur une époque qui a fait l'objet de tant de livres, films et documentaires, qu'on croit la connaitre par coeur, mais elle le fait du point de vue de la résistance allemande dont on parle peu en définitive. Et pourtant, quel courage il fallait pour oser s'opposer aux nazis ! Réfugiés en Grande-Bretagne, en France, en Tchécoslovaquie, ou ailleurs, désormais apatrides, ils vivaient de peu, n'ayant droit à aucune activité professionnelle ou politique. Révoltés par les agissement d'Hitler, inquiets pour leur pays, mais profondément convaincus que le nazisme ne saurait perdurer, ils ont sacrifié jeunesse, amours, famille au service de leur cause. Comment penser à l"avenir quand l'Allemagne prépare la guerre? Comment envisager de fonder une famille alors que le danger rôde, partout, tout le temps ? Jeunesse perdue, avenir incertain, ils se sont brûlés les ailes au feu de l'Histoire. Certains, perdus loin de leur pays, de tout ce qui était leur vie, ont renoncé à leurs idéaux dans l'espoir de redevenir "quelqu'un", ils ont trahi par faiblesse, par peur ou par désespérance.
L'histoire bouleversante de Ruth, Hans, Dora et Ernst, de vraies personnes devenues personnages de roman, est rendue merveilleusement dans un récit balayé par le souffle de l'Histoire. Ces destins tragiques, brisés, nous emportent dans un tourbillon d'émotions qui vont de l'admiration à la pitié, en passant par la tristesse et l'effroi. Une belle réussite, portée par une plume sensible, qui a su s'effacer pour laisser la parole à ses héros méconnus. Enrichissant, passionnant, magistral !

Mille mercis au Club des lecteurs Dialogues croisés pour cette magnifique lecture!!

Conseillé par
18 octobre 2013

Toujours au festival de Tanabata, Conan livre le coupable du meurtre de l'écrivain. Aussitôt revenus à Tokyo, la petite troupe repart pour une nouvelle enquête, direction l'île du clair de lune. Là-bas, ils découvrent avec stupéfaction que Kenji Aso, celui-là même qui les a invités sur l'île est un pianiste mort avec sa famille dans un incendie il y a 12 ans déjà. Bien décidés à savoir qui leur a demandé de venir et pourquoi, Conan, Mouri et Ran restent sur place. Alors que la campagne électorale pour les municipales bat son plein, un meurtre est commis. Le cadavre est retrouvé sur le piano maudit, celui que kenji Aso avait offert à la ville.

Et ce n'est que le début d'une série d'assassinats! Les candidats à la mairie sont éliminés les uns après les autres et Conan va devoir faire la preuve de toute ses capacités de réflexion et de déduction pour trouver, dans le passé, la cause de toutes ces morts violentes. La lumière enfin faite sur cette affaire, la petite trouve rentre à Tokyo en pleine saison footballistique. Mais Conan n'a plus la tête au jeu de ballon quand se présente au bureau de Mouri une jeune fille qui se prétend la petite amie de Shinichi. Le garçonnet est bien placé pour savoir que c'est un mensonge puisqu'il ne connait pas du tout cette fille. Ran, elle, est verte de jalousie et décide de suivre l'inconnue jusque chez elle avec l'idée de s'expliquer avec Shinichi. Conan qui l'accompagne découvre une sombre histoire de kidnapping et de match de foot truqué.

Fin sans surprise de la dernière enquête du tome 6. Il y avait suffisamment d'indices dans le volume précédent pour que l'amateur, même peu éclairé, trouve de lui-même comment démonter l'alibi du suspect.
A cette affaire plutôt simpliste succède l'histoire très sombre et mystérieuse de l'île du clair de lune. Des meurtres en série, un vengeur surgi du passé, une sonate de Beethoven, un piano maudit et une île isolé du reste du monde, tout concourt à faire de cette enquête originale un moment de lecture plein de suspense et de rebondissements dans une atmosphère angoissante.
La dernière histoire nous remet dans un contexte plus détendu. Même s'il s'agit de l'enlèvement d'un enfant, la jalousie et le caractère emporté de Ran versent plus dans le comique que dans l'inquiétant. Une enquête facile pour Conan, qui encore une fois, trouvera sa résolution dans le prochain volume.
Angoisse et légèreté se succèdent avec bonheur dans ce très bon tome. On aimerait en savoir plus sur les homes en noir, on aimerait que Shinichi retrouve ses 17 ans, on aimerait que 'histoire avance plus rapidement, mais en attendant, ces petites enquêtes restent bien sympathiques mêlant le classique du genre et l'originalité. A suivre.

Conseillé par
16 octobre 2013

En 1950,à Kyoto, un jeune novice met le feu au Pavilllon d'or, le temple le plus célèbre de la ville. C'est de ce drame, qui a bouleversé le Japon, qu'est parti Yukio MISHIMA pour raconter l'histoire romancée de Mizogushi, le jeune moine incendiaire. Mais au-delà du fait divers, l'écrivain relate le parcours psychologique d'un garçon torturé, complexé par sa laideur et son bégaiement, obsédé par la Beauté dont le Pavillon d'or est, à ses yeux, la forme la plus pure. De son enfance pauvre dans un Japon dévasté et humilié par la deuxième guerre mondiale, aux côtés d'une mère adultère et d'un père bonze qui lui a transmis son amour immodéré pour le temple sacré, à son arrivée au Pavillon pour y être novice, recueilli par le prieur à la mort de son père, on découvre un jeune homme qui peu à peu sombre dans la folie, jusqu'à commettre l'irréparable.

Les mots sont trop faibles pour parler de toute la beauté et la poésie de ce texte magistral. Yukio MISHIMA, sans juger, sans prendre parti, décrit le parcours initiatique d'un jeune homme qui fut son contemporain. Laid et bègue, Mizogushi aurait pu composer avec ses handicaps, s'épanouir dans l'ombre de l'objet de son amour et pourquoi pas un jour devenir le prieur de ce lieu sacré. Son amitié avec le lumineux Tsurukawa, novice comme lui, l'encourage dans ce sens. Mais c'est le sombre Kashiwagi, élève dans le même lycée que lui, qui va dévoiler sa noirceur et sa perversité. Poussé par ce mauvais génie, Mizogushi s'éloigne du prieur et s'enlise dans la dépravation. Symbole du Beau, donc de ce qu'il n'est pas et se sera jamais, le Pavillon d'or devient l'objet d'un amour/haine jusqu'à ce que ses réflexions le conduisent à l'idée selon laquelle c'est ce Beau absolu qu l'empêche de vivre. A-t-il déjà été plus laid, physiquement et dans son coeur, ailleurs que près de ce temple prodigieux? Non, et c'est pourquoi il lui faudra le détruire pour enfin pouvoir s'intégrer à la vie, dans un monde débarrassé de ce rappel constant de la beauté.
Un roman au ton juste qui appelle maintes réflexions sur le le beau, le bien, le mal et la folie. A lire évidemment, pour la fine analyse psychologique de l'incendiaire et les très sensuelles descriptions de ce lieu hors du commun posé dans un superbe écrin naturel.